Une cavalcade secouait la plaine, claquements de sabots sur une piste de terre, sèche, poussiéreuse. Aux alentours, la plaine, et des collines à perte de vue.
Il n'y avait pas un arbre dans cette lande desséchée. Pas une goutte d'eau discernable.
Seulement du vent, du vent à longueur de journée, du vent à longueur de temps.
Au milieu des collines, dans un couloir de bourrasques, se dressait le plus grand convent de Nenke sur le continent, Windtal.
Aucun rempart ne cernait ce temple ouvert aux quatres vents, pas un mur ne le fermait vraiment. Les fenêtres étaient autant de gouffres sur le vide, dépourvues de toute sortes de vitrage, cloison ou gardes fous. Ouvertes à raz le sol, on avait vu plus d'un novice s'y trouver précipité par un souffle plus violent, et s'écraser parfois jusqu'à plusieurs dizaines de mètres plus bas. Mort. Evidemment.
Plus la structure montait, plus elle était aérienne, ouverte, percée de fentes, béante, creusée de couloirs conçus comme des caisses de résonance. Les derniers étages n'étaient plus de pierre, mais bien de bois, de métal, et de cuir.
Le vent y sifflait comme dans un instrument de musique créé pour un géant.
Chaque courant pour une note différente, une gamme infinie, de l'inaudible à l'inaudible, les hauteurs rendaient sourds, les hauteurs étaient désertées depuis des siècles, entretenues par la magie qui recouvrait le site.
Pas une goutte d'eau n'était ainsi tombée sur Windtal depuis sa construction, des siècles plus tôt.
Seuls deux puis, scellés, alimentant chacun une pompe au milieu d'un jardin de galets, faisaient office de réserves d'eau.
Les sous-sols du convent étaient creusés aussi. Des centaines de kilomètres de galeries, parfois oubliées, parfois envahies par la mort et les créatures des profondeurs. Autant de chambres creusées à même le roc, bibliothèques interdites à chacun et jamais visitées depuis leurs fermetures. Des ouvrages perdus depuis des millénaires dormaient dans ses étuis étanches et désespérément secs, trop secs même pour y permettre la vie, et la vie des conventaires était dédiée à leur entretien, à leur protection. Il y avait trop d'ouvrages, les robes bleues ne suffisaient pas à traiter tous les parchemins, alors certains furent enfermés, en attendant leurs heures. Ils y étaient encore.
En surface, parfois, un orage éclatait, sec comme le désert, et marbrait le ciel de lumière.
Alors l'instrument criait grâce, et dans des rugissements déchirant, sonnait comme la fin du monde sous les assauts de la tempête.
Dans tout l'ouest, il n'y avait pas un lieu aussi venté que celui ci. C'est pour cela que Windtal était là.
Le conservatoir. La vallée du vent.
Un cavalier au galop, vêtu de cuir bouilli, venait à la rencontre de l'escorte qui entourait le grand chauve vêtu de bleu.
Un éclaireur qu'ils avaient envoyé un moment auparavant, qui leur revenait, porteur de nouvelles...
"Votre sagesse.. Les frères gardiens ont pris mon message, nous sommes attendus.."
Mais le chauve ne daigna pas même tourner le visage, tandis que le supérieur de la compagnie, un homme sec et fin, taillé au burin, au cheveu ras, renvoyait l'homme dans le rang sèchement, sans un mot d'un autre ton que neutre.
Ils ne faisaient que leur devoir.
Hanzern von Gern reprit le chemin, entraînant la troupe à sa suite.
Il s'écoula pas moins de deux heures avant qu'ils ne passent l'entrée, une sorte d'arche sans porte, percée d'orifices et surmontés de tuyaux, prenant le vent par en haut, comme un orgue à l'envers.
Si la magie présidait à l'harmonie du thème d'entrée, rien de tel ne guidait le suivant, celui des hauteurs.
Et à leur arrivée, il grinçait depuis longtemps l'inquiétude, le danger, et l'urgence.
Ici, pas d'heure, pas de cloches, pas d'horaires, pas de programme.
Tout se faisait au rythme du thème, et il fallait parfois plus d'une vie d'homme pour l'apprivoiser.
C'était pour cela que les novices, parfois, chutait sur le chemin vers la convention, et toujours mortellement.
On ne revenait de la connaissance, on échouait, parfois, mais c'était toujours à terme, car rien ne devait pouvoir suivre.
Comme l'avait dit le novice envoyé en éclaireur, tout était prévu. Palefreniers, écuyers, s'activèrent comme une ruche, sans un faux pas ni un seul temps mort, pour mener le sage parmi les sages au comité d'accueuil. Qu'il dédaigna pratiquement comme des novices, à leur grande frustration.
Mais certaines choses étaient au dessus de tout.
"Menez moi dans les hauteurs, je dois m'entretenir avec la mère."
Le ton était péremptoire, ne souffrant aucune réplique, mais... La phrase même leur avait coupé le souffle. Mentalement parlant.. Il n'y avait pas un seul son dans cet ordre direct. Une simple pensée comme un coup de poing.
La mère.
La mère était la seule femme de l'ordre, la seule, à jamais, et pour toujours, l'éternelle, l'immortelle, elle représentait la convention même, qui était gravée dans la chair de son visage, dans son dos, sur tout son corps.
Elle seule choisissait le père, à la mort du précédent, elle seule désignait le suprême, loin des tractations politiques des sages du Haut Convent.
Le père était sa voix, et le seul habilité à converser avec elle, une fois seulement que le rite eut été accompli.
Si les hauteurs n'avaient pas servi depuis aussi longtemps, c'est que le Suprême n'avait pas fait escale hors de Carène et du Haut Convent depuis même avant le règne du Prince actuel.
Si Hanzern demandait la mère, c'est que le Suprême était... régénéré.. Le rite avait eu lieu, et l'ordre pourrait à nouveau vieillir, retrouvant la vigueur pour approfondir le savoir.
Il n'y avait pas un arbre dans cette lande desséchée. Pas une goutte d'eau discernable.
Seulement du vent, du vent à longueur de journée, du vent à longueur de temps.
Au milieu des collines, dans un couloir de bourrasques, se dressait le plus grand convent de Nenke sur le continent, Windtal.
Aucun rempart ne cernait ce temple ouvert aux quatres vents, pas un mur ne le fermait vraiment. Les fenêtres étaient autant de gouffres sur le vide, dépourvues de toute sortes de vitrage, cloison ou gardes fous. Ouvertes à raz le sol, on avait vu plus d'un novice s'y trouver précipité par un souffle plus violent, et s'écraser parfois jusqu'à plusieurs dizaines de mètres plus bas. Mort. Evidemment.
Plus la structure montait, plus elle était aérienne, ouverte, percée de fentes, béante, creusée de couloirs conçus comme des caisses de résonance. Les derniers étages n'étaient plus de pierre, mais bien de bois, de métal, et de cuir.
Le vent y sifflait comme dans un instrument de musique créé pour un géant.
Chaque courant pour une note différente, une gamme infinie, de l'inaudible à l'inaudible, les hauteurs rendaient sourds, les hauteurs étaient désertées depuis des siècles, entretenues par la magie qui recouvrait le site.
Pas une goutte d'eau n'était ainsi tombée sur Windtal depuis sa construction, des siècles plus tôt.
Seuls deux puis, scellés, alimentant chacun une pompe au milieu d'un jardin de galets, faisaient office de réserves d'eau.
Les sous-sols du convent étaient creusés aussi. Des centaines de kilomètres de galeries, parfois oubliées, parfois envahies par la mort et les créatures des profondeurs. Autant de chambres creusées à même le roc, bibliothèques interdites à chacun et jamais visitées depuis leurs fermetures. Des ouvrages perdus depuis des millénaires dormaient dans ses étuis étanches et désespérément secs, trop secs même pour y permettre la vie, et la vie des conventaires était dédiée à leur entretien, à leur protection. Il y avait trop d'ouvrages, les robes bleues ne suffisaient pas à traiter tous les parchemins, alors certains furent enfermés, en attendant leurs heures. Ils y étaient encore.
En surface, parfois, un orage éclatait, sec comme le désert, et marbrait le ciel de lumière.
Alors l'instrument criait grâce, et dans des rugissements déchirant, sonnait comme la fin du monde sous les assauts de la tempête.
Dans tout l'ouest, il n'y avait pas un lieu aussi venté que celui ci. C'est pour cela que Windtal était là.
Le conservatoir. La vallée du vent.
Un cavalier au galop, vêtu de cuir bouilli, venait à la rencontre de l'escorte qui entourait le grand chauve vêtu de bleu.
Un éclaireur qu'ils avaient envoyé un moment auparavant, qui leur revenait, porteur de nouvelles...
"Votre sagesse.. Les frères gardiens ont pris mon message, nous sommes attendus.."
Mais le chauve ne daigna pas même tourner le visage, tandis que le supérieur de la compagnie, un homme sec et fin, taillé au burin, au cheveu ras, renvoyait l'homme dans le rang sèchement, sans un mot d'un autre ton que neutre.
Ils ne faisaient que leur devoir.
Hanzern von Gern reprit le chemin, entraînant la troupe à sa suite.
Il s'écoula pas moins de deux heures avant qu'ils ne passent l'entrée, une sorte d'arche sans porte, percée d'orifices et surmontés de tuyaux, prenant le vent par en haut, comme un orgue à l'envers.
Si la magie présidait à l'harmonie du thème d'entrée, rien de tel ne guidait le suivant, celui des hauteurs.
Et à leur arrivée, il grinçait depuis longtemps l'inquiétude, le danger, et l'urgence.
Ici, pas d'heure, pas de cloches, pas d'horaires, pas de programme.
Tout se faisait au rythme du thème, et il fallait parfois plus d'une vie d'homme pour l'apprivoiser.
C'était pour cela que les novices, parfois, chutait sur le chemin vers la convention, et toujours mortellement.
On ne revenait de la connaissance, on échouait, parfois, mais c'était toujours à terme, car rien ne devait pouvoir suivre.
Comme l'avait dit le novice envoyé en éclaireur, tout était prévu. Palefreniers, écuyers, s'activèrent comme une ruche, sans un faux pas ni un seul temps mort, pour mener le sage parmi les sages au comité d'accueuil. Qu'il dédaigna pratiquement comme des novices, à leur grande frustration.
Mais certaines choses étaient au dessus de tout.
"Menez moi dans les hauteurs, je dois m'entretenir avec la mère."
Le ton était péremptoire, ne souffrant aucune réplique, mais... La phrase même leur avait coupé le souffle. Mentalement parlant.. Il n'y avait pas un seul son dans cet ordre direct. Une simple pensée comme un coup de poing.
La mère.
La mère était la seule femme de l'ordre, la seule, à jamais, et pour toujours, l'éternelle, l'immortelle, elle représentait la convention même, qui était gravée dans la chair de son visage, dans son dos, sur tout son corps.
Elle seule choisissait le père, à la mort du précédent, elle seule désignait le suprême, loin des tractations politiques des sages du Haut Convent.
Le père était sa voix, et le seul habilité à converser avec elle, une fois seulement que le rite eut été accompli.
Si les hauteurs n'avaient pas servi depuis aussi longtemps, c'est que le Suprême n'avait pas fait escale hors de Carène et du Haut Convent depuis même avant le règne du Prince actuel.
Si Hanzern demandait la mère, c'est que le Suprême était... régénéré.. Le rite avait eu lieu, et l'ordre pourrait à nouveau vieillir, retrouvant la vigueur pour approfondir le savoir.
Dernière édition par Volkmar le Sam 1 Oct - 16:32, édité 1 fois